La fin de la fin du monde
Je me suis toujours un peu attristée de n'avoir jamais failli mourir. Quand je réfléchissais aux fois où j'en avais été le plus proche, je ne trouvais rien d'autre qu'une hospitalisation de deux jours pour une gastro-entérite à l'âge de trois mois, un début de pneumonie à sept ans, une voiture freinant un peu tard à l'approche d'un passage protégé quelques années plus tard. Alors quand j'ai compris qu'une branche de sapin pliant sous le poids de la neige était en train de s'abattre sur moi — et avec elle, croyais-je, le reste de l'arbre —, au lieu de m'en faire pour mon éventuelle survie, il me semble avoir ressenti une profonde jouissance.
"Voilà qui me donnera matière à raconter aux gens comment j'ai failli mourir."
...
Tout bien réfléchi, je n'ai pas vraiment failli mourir. D'ailleurs je n'ai même pas eu mal, et seule une tache marron sur ma veste bleu ciel m'empêche de douter que l'incident a bien eu lieu. Il n'empêche que je garderai toujours en mémoire le souvenir de cet heureux moment de ma vie depuis lequel je peux me vanter d'avoir survécu à quelque chose d'important.