Dolce vita
Je bois de grands verres de jus d'orange, je ne sors pas sans mon bonnet, j'habite dans une maison qui sent bon la soupe de poireaux, je mange quatre clémentines par jour, je pars de chez moi de nuit et rentre chez moi de nuit, j'ai le bout du nez gelé, je vais aux toilettes de la fac de sciences parce qu'ils sont surchauffés et pas ceux de la BU — en bref, c'est l'hiver.
Et devant les copies qu'il faut remplir, toujours avec les mêmes propos stupides en lesquels je ne crois pas le moins du monde, mais dont je sais qu'ils feront plaisir aux professeurs, je repense avec nostalgie à l'été. Cet exposé sur Canaletto m'aura avant tout fait regretter de n'être pas allée à Venise l'été dernier alors que j'en avais la possibilité. Pire encore, il me montre comme j'ai été sotte de ne pas avoir suffisamment profité de ma semaine italienne, de Florence déserte à six heures du matin, de Ventimiglia et ses parasols incorporés, de ces repas faits presque exclusivement de pots de yaourts géants et de melons, des fenêtres de la voiture grandes ouvertes et du vent dont j'aimais à penser qu'il lissait les contours de mon visage...
Parfois, la nuit, en plus de rêver de Prix Nobel, je rêve que je me baigne dans une mer déserte sous un soleil brûlant. Moi qui, il y a deux ans, ne soupçonnait même pas qu'une après-midi à la plage pouvait procurer tant de plaisir, j'ai maintenant l'impression de vivre en n'attendant plus que ces moments-là.
Allez, encore un semestre, et ce sera bon.
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