Histoire d'art
Il n'y a jamais tant d'auditeurs libres qu'en cours d'histoire de l'art. Des femmes de plus de soixante ans y viennent avec des prétentions esthétiques et quinze minutes de retard, s'assoient aux premiers rangs munies exclusivement de leur bloc et d'un stylo bien plus chic que nos bics Reynolds medium 048, écoutent, prennent des notes, et de temps à autres, demandent l'orthographe de "Kandinsky". Leur façon de jouer les étudiantes a le don de m'agacer.
L'autre jour, devant moi, alors que certains sont sur le point d'entamer leur sixième heure de cours de la journée sur un total de neuf, les voilà qui parlent du semestre prochain qui, sauf nouvelle loi de réforme des universités, commencera dans une dizaine de jours. Et vas-y que je te fais mon emploi du temps à la carte, une heure de L1 d'histoire par-ci, deux autres de L2 de socio par-là. Vas-y que "non, ça ça n'a pas l'air intéressant* et puis de toutes manières 9h c'est trop tôt"... Moi, pendant ces jacasseries, je compte péniblement ma presque trentaine d'heures de cours ; c'est avec nostalgie que je repense au temps béni où l'université, dans mon imaginaire, était synonyme de quinze heures de cours hebdomadaires... Bref, que ces vieilles bourgeoises viennent me narguer, je trouve cela indécent. Je ne comprends pas bien ce qu'elles font là, et quel plaisir elles peuvent prendre à ces cours. Est-ce pour se rajeunir qu'elles tentent désespérément de se fondre dans une masse de 18/25 ans ?
La raison est, ce me semble, bien pire : c'est qu'elles ignorent qu'il leur suffirait d'ouvrir n'importe quel livre sur l'art pour trouver, multipliées par mille, les maigres connaissances que le professeur nous apporte péniblement en deux heures de temps chaque semaine... On peut avoir soixante ans et ignorer de telles évidences.
* comprendre "c'est de la linguistique" (NDLR).